La chaise vide

Une chaise vide ne sourit pas, ne parle pas, ne rit pas. Elle se contente d’être là, silencieuse, attentive peut-être, mais aussi pleine de reproches sous-entendus. Après tout, ce n’est pas sa faute si vous êtes seul à la contempler, à tenter en vain d’engager la discussion. Elle reste sur son quant-à-soi, muette, cela va de soi.

Croyez-vous que la chaise vide va s’exprimer ? Elle préfère se taire et vous laisse libre de vos interprétations. C’est terrible car, finalement, vous ignorez tout de ses opinions, de ses émotions, de ses aspirations. De toute façon, je n’ai jamais entendu parler d’une chaise vide bavarde. Un silence si éloquent, le poids de la solitude… Voilà le message de la chaise vide.

La chaise vide manque cruellement de répartie, mais c’est la rançon de l’insuccès. Là, je sens qu’elle me nargue. Elle me met au défi de lui dire quelque chose bien que je sache par avance qu’elle ne me répondra pas. Cette chaise est comme toutes ses consœurs, hautaine et méprisante, sans même un mot qui pourrait montrer une once de tendresse, ou de compassion.

Fichue chaise vide. Elle pourrait au moins partager ma conversation ou, à tout le moins, m’écouter. Mais elle ne daigne guère me prêter oreille, sans doute à cause d’un dossier pressant, ou d’un quelconque autre prétexte au mutisme.

La chaise, stoïque, supporte mes regards. Il est même probable qu’elle se moque de ce que je ressens. Chaise vide muette, confite dans la distance, qui refuse de donner vie à ce dîner.

Chaise vide qui pratique la politique de l’abstention. Il est clair qu’elle ne va pas s’avancer sur quelque sujet que ce soit. La neutralité absolue, celle du silence éternel. Tant que la chaise vide se taira, je ne saurai ce qu’elle pense, si tant est qu’elle pense. Elle a une fâcheuse tendance à tout garder pour elle, au point que l’on puisse douter qu’elle ait une quelconque faculté de réflexion.

La chaise vide serait-elle stupide ? J’ai attendu toute la soirée, mais la chaise n’a toujours rien dit. Je crains qu’il soit difficile de lui arracher la moindre parole. Serait-elle indifférente ?

Texte © Jean-Claude Renault, 2023 – Photo originale de mrsiraphol sur Freepik

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